Gloria PARAISO-JOSSOU, Fondatrice de RS CONSULTING, Consultante en Communication & Responsabilités Sociétales, administratrice de RSE&PED

La pierre angulaire pour le développement de la RSE est la compréhension des enjeux par les dirigeants et leur adhésion de fond à la démarche

lls-elles ont créé des entreprises à impact positif, pilotent la responsabilité sociétale dans leur société, forment aux pratiques respectueuses du vivant, organisent la réflexion et la coopération. Ce sont les acteurs de l'économie positive en Afrique.

Nous sommes heureux de leur donner la parole.

AGADD : En 2013 vous avez créé votre cabinet de conseil en communication et en RSE, RS Consulting. Quelle approche proposez-vous à vos clients ? 

 

Gloria Paraiso-Jossou : Ma réflexion a beaucoup évolué depuis la création de ma société. Aujourd’hui j’aide le dirigeant ou la dirigeante de l’entreprise à partager sa vision avec ses partenaires. Cette démarche, que nous réalisons au travers d’ateliers participatifs, autonomise et co-responsabilise tous les acteurs et notamment les collaborateurs. J’aime aussi intervenir lorsqu’il y a des désaccords : ces moments sont des opportunités pour aller à la rencontre de l’autre, pour créer, à partir d’un problème, des solutions qui conviennent à chaque partie. Le monde de l'entreprise dans lequel nous intervenons est souvent un milieu hostile. J’apporte au dirigeant une forme de réassurance en ses propres capacités en soulignant l'importance du dialogue, car, s’il était encore nécessaire de le prouver, on voit bien avec l'épisode du Covid19 que nous sommes dans une interdépendance permanente.

 

AGADD : Dans vos activités vous abordez souvent la RSE sous l'angle de la communication, pourquoi cette priorité ?

 

G. P-J : De 2004 à 2012 j'ai été conseillère de Madame Viviane Wade, l'épouse du Président du Sénégal. Auprès de la Première Dame j’étais en charge de la communication sur les projets sociétaux dans l'éducation, la santé et le développement durable. Nous étions en contact avec des ministères, des grandes entreprises et des ONG, dont les dirigeants étaient très impliqués. Mais j’ai compris rapidement que, quelles que soient la pertinence des projets et l’importance des moyens mis en œuvre pour les réaliser, si les bénéficiaires potentiels ne les comprennent pas, l’adhésion reste de façade et ces projets échouent. Il faut que les populations concernées s'expriment et qu'elles soient écoutées pour que les actions menées répondent effectivement à leurs besoins. C'est ce que j'expérimente jusqu'à aujourd’hui.

L’autre élément qui m’a frappée pendant cette période est l'influence des grandes entreprises sur l'agenda des gouvernants. Leur capacité à changer la donne dans nos pays leur fait à mon sens, obligation de s’impliquer consciemment au service de l'intérêt général, au-delà de leurs activités commerciales. Elles jouent finalement un rôle très politique dans la Cité alors qu’elles ne se reconnaissent qu’en tant qu’acteurs économiques. D'où mon intérêt pour la Responsabilité Sociétale de l’Entreprise que j'ai nourri en faisant un MBA, avec un mémoire sur les pratiques de la RSE au Sénégal. J’ai poursuivi ce travail conceptuel en allant davantage sur le terrain avec le soutien d’organisations françaises comme l'ORSE et le label LUCIE.

Gloria PARAISO-JOSSOU, Fondatrice de RS CONSULTING, Consultante en Communication & Responsabilités Sociétales, administratrice de RSE&PED

AGADD : Vous avez observé la RSE autant en France qu'au Sénégal, avez-vous noté des différences importantes entre l'appropriation de la RSE dans ces deux pays ?

 

G. P-J : La RSE a fait des avancées remarquables en France ces dernières années. Au Sénégal, quand elle est connue, la RSE est encore perçue comme optionnelle, rapportée à la solidarité, à la santé ou à l'environnement, sans réelle corrélation avec l’activité principale de l’entreprise. Il reste là aussi à partager une vision générale et un vocabulaire précis, tout en tenant compte du contexte culturel local au moment de la mise en œuvre. Et ces différences culturelles sont fortes : elles n’existent pas seulement entre la France et le Sénégal, mais aussi par exemple entre Dakar et Abidjan !

Le tissu économique en Afrique noire francophone est surtout fait d’économie informelle et de petites entreprises. Les problèmes des dirigeants sont liés au manque de formation des collaborateurs, aux marchés et aux financements auxquels ils n'accèdent pas … Pour eux la RSE c'est du luxe ! Là aussi je travaille d’abord la question du dialogue : lorsque je propose au dirigeant d’une PME d’améliorer l’engagement de ses salariés ou la compréhension de son projet par son banquier, et qu’il obtient des résultats tangibles, d’autres problématiques peuvent ensuite être abordées. J’aide ces chefs d'entreprises à porter un autre regard sur leurs parties prenantes pour bâtir avec elles des relations mutuellement profitables et en faire à terme de véritables partenaires. C’est aussi comme cela que l’on contribue à l’impact positif des entreprises !

AGADD : Vous soutenez particulièrement l'entrepreneuriat féminin. De quelle façon se traduit votre engagement ?

 

G. P-J : Je viens d'un milieu où les femmes sont généralement respectées et encouragées mais j'ai commencé à ressentir des difficultés liées au fait d’être une femme au moment de créer mon entreprise. Ici les femmes qui veulent entreprendre sont rarement soutenues dans leur rôle de cheffe d’entreprise et peuvent manquer de confiance en elles. Lorsque nous identifions chez elles ce manque d’assurance, je les oriente généralement vers des coachs certifiés en Développement personnel qui les aident à lever leurs blocages afin d’aller de l’avant et concrétiser leurs projets. Une fois ces conditions réunies elles sont inarrêtables car les femmes sénégalaises et plus généralement du continent sont des entrepreneuses nées : elles sont tellement habituées à être présentes sur tous les fronts que créer une entreprise est juste un front supplémentaire !

 

AGADD : Vous êtes la partenaire de RSE&PED au Sénégal. Pour quel bénéfice mutuel ?

 

G. P-J : J'ai rencontré Joëlle Brohier au cours d'un forum organisé par Philippe Barry, le fondateur de l'initiative RSE-Sénégal. J’ai tout de suite adhéré à la philosophie de l'association RSE&PED qui s'appuie sur des partenaires de terrain et les met en réseau. Depuis le Sénégal je partage les pratiques, mais aussi les travaux académiques et ceux des consultants qui sont souvent sous-utilisés. J’interviens également dans les formations en ligne.

J’ai contribué dernièrement au webinaire co-organisé par RSE&PED et Handicap International sur le handicap en entreprise. Ce thème me touche et illustre combien les dirigeants peuvent s’engager et innover lorsqu’ils se sentent concernés par une problématique. Le handicap d'un proche par exemple, va les pousser à agir de manière créative : c’est ainsi que nous avons appris qu'un hôtel bien connu à Dakar avait accueilli de jeunes déficients intellectuels en stage puis avait transformé l’expérience pour proposer des CDI, ce qui a changé la vision des collaborateurs sur l’inclusion,  au bénéfice de tous.

Le développement de la RSE passe par la compréhension des enjeux par les dirigeants et leur adhésion de fond à la démarche, c’est la pierre angulaire !

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