PLACIDE DOUGAH, FONDATEUR ET DIRIGEANT DU CABINET VALORA SOLUTIONS ET SERVICES ENVIRONNEMENT A LOME, partenaire local de RSE&PED

Je suis rentré au Togo pour être un acteur du changement, avec le soutien de mon entourage qui croit en mes rêves et mes capacités

Ils-elles ont créé des entreprises à impact positif, pilotent la responsabilité sociétale dans leur société, forment aux pratiques respectueuses du vivant, organisent la réflexion et la coopération. Ce sont les acteurs de l'économie positive en Afrique. Nous sommes heureux de leur donner la parole.

AGADD : En plus de votre cabinet de conseil, vous avez créé à Lomé un centre de ressources pour la Responsabilité Sociétale de l'Entreprise et les Objectifs de Développement Durable. A quel typologie d'acteurs est-il destiné ? 

Placide Dougah: Le CERRDA, le Centre de Recherches, Ressources, Documentation et Accompagnement sur la RSE et les ODD est destiné aux acteurs publics, parmi lesquels les communes engagées dans le processus de décentralisation, ainsi qu'au secteur privé togolais, aux entrepreneurs et acteurs de la société civile. Lors du Forum pour la RSE que nous avons organisé à Lomé en 2018, le besoin de formation et d’outillage des acteurs publics nous est apparu essentiel car il leur revient de créer le portage institutionnel propice au développement de la RSE sans lequel les entreprises locales ne s’engageront pas. Les acteurs publics ont besoin de comprendre comment la mise en œuvre de la RSE contribue au développement local et national et pourquoi l’Etat a tout à gagner à l’engagement du secteur privé. Avant de pouvoir créer un cadre spécifique à la RSE, il faudra renforcer l’application du cadre légal existant, c’est-à-dire mettre en œuvre des sanctions de manière impartiale en cas de non-respect des lois, et lutter contre la corruption qui mine nos organisations. La formation de l’ensemble des acteurs mentionnés ci-dessus est donc nécessaire, et c’est ce à quoi nous nous employons en créant ce centre.

La pandémie de Covid a retardé l’ouverture officielle du CERRDA à 2021 mais nous avons profité de ce temps supplémentaire pour identifier d’autres besoins: nous proposerons aussi aux entrepreneurs qui manquent de temps et de capacités techniques, de les aider à prendre en compte les critères ESG dans leurs dossiers de financement et à travailler sur la mesure d’impact sociétal de leurs actions. Cette offre complète celle des incubateurs qui existent déjà au Togo. 

Dans les locaux du CERRDA à Lomé

Dans les locaux du CERRDA à Lomé

AGADD: Comment le cadre togolais peut-il s’intégrer dans les référentiels internationaux de la RSE et quelle place ont les ODD dans cette réflexion ?

PG : En 2017, à la demande du gouvernement et avec le soutien de l’Unicef, notre cabinet a fait un état des lieux de la RSE au Togo en analysant le cadre légal et les pratiques des entreprises sur la thématique particulière des Droits de l’Enfant. En 2020 nous avons repris cette analyse élargie à toutes les problématiques de la RSE. Nous l’avons croisée avec les référentiels comme la GRI pour proposer une grille adaptée au contexte local mais qui reste cohérente avec les cadres internationaux. A partir de ces travaux nous commençons à développer des outils qui seront proposés aux entreprises pour identifier les impacts de leurs actions sur leurs parties prenantes et bientôt pour les mesurer.

Concernant les ODD et leur appropriation par les Etats, le Togo fait partie des pays pilotes auprès de l’ONU. L’Agenda 2030 est donc bien connu et partagé par le gouvernement, les partenaires techniques et les bailleurs. Les ODD permettent d’aligner toutes les actions de manière cohérente, y compris celles des entreprises, comme le demande le Pacte Mondial de l’ONU. Mon rôle de consultant est d’accompagner ces acteurs privé dans leur contribution aux ODD en mesurant les effets de leurs politiques, c’est très structurant et fédérateur !

AGADD : Quelle est aujourd’hui la mobilisation du secteur privé togolais vers la RSE ?

PG : Elle concerne surtout les filiales des groupes européens mais reste faible dans les PME au Togo car l’environnement des affaires n’y est pas propice et les dirigeants sont souvent seuls et peu formés. La RSE est assimilée aux actions caritatives ou à la réalisation des études d’impact social et environnemental qui sont des obligations légales pour certaines activités. Il y néanmoins des initiatives intéressantes dans le secteur bancaire. ORAGROUP a mis en place un reporting basé sur la GRI. La BOAD s’est engagée dans une démarche RSE concrète et souhaite inciter les acteurs qu’elle finance à s’approprier les enjeux. L’engagement de ces entreprises dont le rôle et le poids comptent dans l’économie togolaise est prometteur !

AGADD : Quel parcours personnel vous a mené vers l’environnement et la RSE ?  

PG : J’ai commencé très tôt puisque nous avions créé à l’école une association pour sensibiliser les élèves aux effets néfastes du plastique sur la santé et l’environnement. En 2005 une « Semaine du Développement Durable » organisée par l’Agence Française de Développement et l’Ambassade de France au Togo m’a décidé à en faire mon métier et je suis parti en France pour me former. A l’Institut Veolia Environnement où j’ai contribué à l’organisation de la conférence internationale « Pauvreté et Environnement » menée avec l’AFD s’est produit deuxième déclic : j’ai compris que les problèmes auxquels je répondais à petite échelle par de la sensibilisation de la population existaient à tous les niveaux. J’ai continué par un Master en politique environnementale et développement durable. J’y ai découvert la RSE que j’ai expérimentée comme chargé de mission à la Lyonnaise des Eaux.

Mon projet de retour au Togo portait sur la création d’un centre d’éducation à l’environnement et de recherche-action sur le recyclage. Une fois sur place l’idée s’est avérée trop avant-gardiste et j’ai dû l’abandonner. Par chance, j’ai rencontré le Directeur des ODD du ministère de la Planification et du Développement du Togo, qui m’a demandé d’organiser des formations sur la RSE. Je me suis donc réorienté vers ce domaine. La collaboration avec l’UNICEF depuis 2017 s’est révélée très porteuse : en travaillant pour cette organisation nous contribuons à la mise en œuvre du plan de coopération entre l’Unicef et le gouvernement togolais. Mon travail intéresse donc l’acteur public qui regarde l’Economie sociale et solidaire et la RSE comme des axes de développement.

AGADD : Vous êtes le partenaire local au Togo de l’association RSE & PED. Quelle collaboration avez-vous mise en place ?

PG : J’ai toujours souhaité avoir un engagement associatif en plus des activités commerciales de mon cabinet : le travail avec RSE&PED répond à cet objectif. J’en retire d’abord un bénéfice humain, mais aussi professionnel puisque je me forme en même temps que nous organisons le partage d’information vers le public de l’association.

Nous avons commencé à travailler ensemble en 2015. Grace à l’association j’ai eu le soutien du Global Compact et de l’AFD pour l’organisation d’un premier forum sur la RSE au Togo en 2015, puis à nouveau de l’AFD pour le forum de 2018. Le CERRDA que nous ouvrons est le fruit d’un partenariat avec RSE&PED, il nous permet d’associer prestations payantes et offres gratuites. Notre dernière action conjointe est un webinaire que j’ai animé le 12 novembre dernier. J’y ai présenté la stratégie que nous déployons avec l’Unicef et le gouvernement togolais pour que le secteur privé s’engage dans la RSE.

Partenaires du forum RSE Afrique de l’Ouest en 2018 dont, 1er à gauche, Placide Dougah, et 3ème à gauche Joelle Brohier, co-fondatrice et directrice de RSE & PED

Partenaires du forum RSE Afrique de l’Ouest en 2018 dont, 1er à gauche, Placide Dougah, et 3ème à gauche Joelle Brohier, co-fondatrice et directrice de RSE & PED

AGADD : Quels sont les actions à mener pour un développement plus large de la RSE en Afrique ?

PG : Avant de parler de développement de la RSE je parlerais de développement tout court. Si l’on en croit les médias, l’Afrique est le continent le plus riche d’avenir… encore faut-il que son développement soit pris en charge par les africains eux-mêmes ! C’est une question de vision, d’objectifs à fixer, avec un travail considérable à faire sur l’éducation car nos cursus académiques ne sont pas adaptés au monde actuel.

Nous souffrons de structures sociales qui sont des freins au développement : l’enfant qui nait dans une famille est l’enfant de tout le quartier : quand il grandit et trouve un emploi il est sollicité par la communauté pour des soutiens financiers. Avec cette pression il n’est pas facile de résister à la corruption, au népotisme et à d’autres maux ! Beaucoup de jeunes préfèrent s’exiler avec pour conséquence la fuite des cerveaux.

Je connais bien ces réalités au Togo, mais voyager m’a permis de comprendre que mon pays a aussi des atouts qui ne sont pas valorisés aujourd’hui.

Lorsque les membres de la diaspora reviennent en Afrique, ils doivent opérer une sorte de déconstruction de ce qu’ils ont acquis dans les pays occidentaux : les échanges avec les employés ou les porteurs de projets ne se font pas avec les mêmes codes. Ils doivent garder les expériences acquises mais trouver un autre moyen de les exprimer et de les mettre en pratique. Passion et patience sont les deux mots clé pour que les acteurs de la Diaspora puissent apporter leurs compétences à leur pays !

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