Kleber BIBOUM, Directeur Général de l’entreprise GO AFRICA Business au Cameroun, Promoteur du Salon international du tourisme durable MERCATOUR, Membre du conseil d’administration de RSE&PED
24 mai 2020Ce qui est important pour moi dans l’idée du tourisme durable c'est la pérennité de l'activité pour qu’elle profite autant aux générations d’aujourd’hui qu'à celles de demain
lls-elles ont créé des entreprises à impact positif, pilotent la responsabilité sociétale dans leur société, forment aux pratiques respectueuses du vivant, organisent la réflexion et la coopération. Ce sont les acteurs de l'économie positive en Afrique.
Nous sommes heureux de leur donner la parole.
AGADD : Votre parcours professionnel s’est orienté très vite vers le tourisme, avec la RSE et le développement durable en ligne de mire. Quelles réflexions vous y ont amené ?
Kleber BIBOUM : J’ai suivi initialement un cursus de technicien supérieur. Lors de l’examen final en 2002 j’ai été frappé par le fait que tous les sujets présentés par mes camarades étaient centrés sur le commerce international et les échanges marchands entre pays. Or, ni le Cameroun ni l’Afrique ne peuvent se contenter indéfiniment de recettes d'exportation de matières premières pour soutenir l’économie ! Le tourisme me semblait offrir plus d’opportunités pour le pays, plus d’indépendance en termes de devises, une meilleure redistribution aux acteurs nationaux et donc plus de chances d'atteindre un jour un seuil de développement acceptable. J’avais le sentiment d’un vide à combler : je me suis lancé. La passion que j’ai développée pour ce secteur et plusieurs rencontres décisives ont construit la suite. En 2012 un de mes amis allemand a organisé la foire africaine de Hambourg (Afrika-Messe-Hamburg). Les africains de la diaspora qui y ont participé ont souhaité qu’un tel événement existe aussi en Afrique. Comme j’organisais déjà des forums économiques et des rencontres d’affaires, j’ai saisi la balle au bond et mis sur pied le premier salon du tourisme vert à Kribi en 2013 avec l’ONUDI, l’Ambassade d’Allemagne au Cameroun, mes amis allemands et suisse, des partenaires institutionnels et privés camerounais. L’événement, qui a bien grandi, s’appelle aujourd’hui le MERCATOUR (Marché des Tourismes d’Afrique). La 3ème édition s'est tenue en juillet 2018 à Yaoundé avec le parrainage du Ministère du tourisme et des loisirs et le soutien de plusieurs autres ministères camerounais, de l'OAPI, de l'ambassade de Tunisie et de nombreux sponsors. D’autres pays africains nous ont fait part de leur intérêt à recevoir le Salon MERCATOUR : la 4e édition devait se tenir en mars 2020 en Guinée Equatoriale, elle sera reportée à une date ultérieure à cause de la pandémie Covid-19.
AGADD : Quelles sont vos priorités dans la définition d’un « tourisme durable » ?
K.B : Ce qui est important pour moi dans cette idée, c'est la pérennité de l'activité pour qu’elle profite autant aux générations d’aujourd’hui qu’à celles de demain. Cela veut dire une approche pluraliste qui s’appuie principalement sur les attentes et le pouvoir d’achat du marché local, en proposant une offre de produits et services touristiques conséquente. Pour cela il faut innover, se réinventer régulièrement pour satisfaire les besoins des consommateurs camerounais, des membres de la diaspora et des touristes étrangers. Cette activité touristique ne doit pas se faire au détriment de l'environnement. Nous sommes donc aussi attentifs au gaspillage, à la gestion des déchets et à la préservation du patrimoine et de la biodiversité. C'est à partir de cette offre, et de l’adhésion du public local, que le tourisme classique pourra reprendre et se développer. J’ai confiance car le Cameroun a beaucoup de potentiel ! L’épisode que nous vivons avec le Covid-19 renforce tout à fait cette approche. L'Afrique est le continent le moins frappé par la pandémie. Malgré cela, le secteur du tourisme africain va visiblement devoir se passer des opérateurs européens et des arrivées de touristes étrangers pendant un bon moment. Il faut amener les acteurs à offrir d’autres services à de nouveaux publics ! A titre personnel, je pense mettre cela en pratique en créant une bourse des voyages et, à terme, mobiliser des fonds pour ouvrir un complexe écotouristique à la campagne avec des logements construits en matériaux locaux, des infrastructures sportives, des activités agropastorales et la mise en valeur de la cuisine camerounaise.
Kleber BIBOUM en 2008, lors d’une de ses premières expériences dans le tourisme avec le GIE ‘’Destination Cameroun’’. Ici avec le roi du peuple Bamoun, Ibrahim Mbouombouo Njoya, sa mère et un groupe d'accompagnateurs d’Air France.
Vous avez fait d’autres expériences réussies avec des partenaires internationaux. Lesquelles vous ont particulièrement marqué ?
K.B : J'ai eu la chance de travailler sur un projet de la Banque Mondiale avec le Bureau de l'Union Européenne et le Ministère Camerounais en charge de l'Industrie et des Mines. Le programme portait sur la mise en place d’une plate-forme de redevabilité sociale dans le secteur minier. Dans ce secteur qui, traditionnellement, manquait beaucoup de transparence malgré les efforts des organisations de la société civile locale et internationale, nous avons œuvré pour la reddition des comptes à niveaux multiples en donnant la parole à tous les acteurs, mais aussi aux populations riveraines des projets miniers. Les comptes rendus de nos forums, rencontres, consultations, etc., avec recommandations, ont été portés à la connaissance du gouvernement du Cameroun et de la Banque mondiale. Ce fut une expérience exaltante qui m’a beaucoup appris.
Avant cela, je m’étais fait reconnaître au sein de la plateforme allemande OpenBC (aujourd’hui Xing.com) sur laquelle j’avais proposé la création d’un groupe de réflexion pour promouvoir une image plus positive de l’Afrique. Dans la pratique, il était question d’accompagner les projets d’investissement sur le continent. Plus de 2300 abonnés de la plateforme ont adhéré au projet : j’ai remporté un prix, mais je suis surtout passé à l’acte en créant avec des partenaires l’entreprise « GO AFRICA Business » que je dirige aujourd’hui. Nous accompagnons les projets d’investissement en Afrique et notamment au Cameroun avec une préférence pour les secteurs que nous maîtrisons bien : l’agriculture, le tourisme et les énergies renouvelables. Nous avons des partenaires qui peuvent accompagner d'autres investisseurs sur d'autres activités.
En 2013, j’ai rencontré Joëlle Brohier : le concept de RSE m’a beaucoup intéressé. Ayant toujours considéré que l’entreprise doit servir une large communauté et pas seulement des intérêts financiers individuels, j’ai eu le sentiment de mettre un nom sur quelque chose que je pratiquais déjà ! RSE&PED m’a fourni de l’appui technique pour renforcer la RSE dans toutes mes activités et je suis devenu le contributeur de l’association pour le Cameroun. Joëlle Brohier m’a fait l’honneur d’une visite au Cameroun, au cours de laquelle nous avons revu et consolidé mon réseau de partenaires locaux. Après son départ, j’ai continué avec l’organisation d’événements dédiés au développement durable et à la RSE avec la Francophonie, l'AFD, l'institut Français et la Chambre de commerce à Yaoundé. En 2017, j’ai été appelé au conseil d’administration de RSE&PED dont je fais partie aujourd’hui. Je pense que mon engagement et ma capacité à sensibiliser la société civile à la RSE ont intéressé particulièrement l’association puisque nous partageons les mêmes objectifs.
AGADD : Comment mettez-vous en œuvre cette sensibilisation des acteurs économiques camerounais et du grand public à la RSE ?
K.B : Pour partager ce concept je crois à l’écoute et la sensibilisation des acteurs plus qu’à l’autorité, donc toutes les occasions sont bonnes !
Avec RSE&PED, j’ai animé des webinaires et coordonné des journées connectées sur le secteur minier et le tourisme durable à destination des étudiants et des entrepreneurs africains.
En 2015, Lors du Salon PROMOTE, la principale rencontre internationale de l'entreprise et partenariat en Afrique Centrale, nous avons utilisé notre présence sur un stand pour échanger et distribuer ‘’le guide du visiteur à PROMOTE’’ qui sensibilisait à la RSE, à près d’un millier de participants et visiteurs.
Dans le cadre des activités de GO AFRICA Business, nous avons mené un gros travail de sensibilisation des jeunes entrepreneurs du secteur informel de l’hôtellerie et la restauration à l’amélioration de la qualité de leurs produits. Une démarche nécessaire pour pouvoir amener en toute quiétude nos clients hors des circuits trop balisés des grands restaurants et hôtels internationaux ; sensibiliser aux standards de qualité et à l’intérêt du consommateur est aussi une façon d’encourager ces jeunes patrons à passer à une structure juridique officielle, malgré leurs réticences envers l’administration fiscale.
AGADD : Comment faire rayonner la RSE notamment dans le secteur du tourisme, au Cameroun et plus largement en Afrique ?
K.B : J’ai plusieurs idées de formation à ce sujet. Grace à Joëlle Brohier, j’ai pris contact en 2018 avec Béatrice Bellini, une chercheuse de l'université Paris Nanterre qui travaille à la mise en place en Afrique d’une Chaire « Positive Business - Value for All », pour un tourisme positif en réponse aux attentes des voyageurs comme à celles des pays en développement qui peinent souvent à gérer des flux touristiques importants.
J’aimerais aussi créer une Académie de formation aux petits métiers du tourisme et au marketing des territoires pour soutenir un réseau d’acteurs et de villages écotouristiques dans mon pays, et si possible dans d’autres pays demandeurs en Afrique.
Nous avons également, avec RSE&PED, prévu une opération de sensibilisation à la RSE via une chaîne de radio pour partager les connaissances sur le concept en visant principalement les étudiants et les jeunes entrepreneurs. Cette émission sera l’occasion de donner la parole aux hommes et femmes leaders, chercheurs, experts et praticiens. Beaucoup de projets qui sont sur de bons rails !
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