Les territoires prennent la parole : la décentralisation à l'oeuvre

Les analyses et recommandations qui suivent sont fondées sur l’observation de deux exemples de décentralisation en Afrique, au Bénin et au Congo.

Le Bénin est actuellement dans sa 2ème mandature de décentralisation. AGADD a vécu en direct la toute la première mandature de 2003 à 2009 aux côtés du Maire de Grand Popo feu Eugène KPADE. Nous étions chargés d’élaborer l’Agenda 21 de la commune. 

Les transferts de fonds et de compétences décidés n’ayant pas été réalisés, tout était à inventer ou à mettre en place. Les maires étaient livrés à eux mêmes. Les attentes de la population étaient urgentes et multiples: santé, éducation, survie économique, dégradation de l'environnement... bref une amélioration générale des conditions de vie.  Au centre des problèmes, la mauvaise qualité de l'eau, la rareté des produits halieutiques, des ressources locales basées sur l'extraction du sable côtier alors qu’il y a un problème aigu d’érosion côtière (décision difficile car économie de substitution à trouver..)

La stratégie de survie des Maires consistait à multiplier en direction de l’Europe des jumelages et des accords de coopération décentralisée. Grand-Popo avec Montgeron et la Vendée, Cotonou avec Créteil et Rosny- sous-Bois, Pointe Noire avec Le Havre et Brazzaville avec Reims. Ces coopérations naissent souvent des affinités de personnes ou associations vivant sur le territoire, qui ont mis en place des programmes d'un commun accord.

Les actions menées comprennent le renforcement des capacités du personnel, des études de faisabilité, le financement partiel de certains projets (gestion des déchets, office de tourisme, développement de maraîchage, micro-crédit etc). D’une manière globale cette forme de coopération de Mairie à Mairie, de ville à ville a prouvé son utilité pour l’accompagnement initial des démarches de décentralisation.

Elle est constructive et enrichit les deux populations. Mais au vue des enjeux et des défis, elle pousse à imaginer bien d’autres formes de coopérations, pour regrouper les énergies des territoires.

Pourquoi encourager et innover en matière de coopération décentralisée?

C’est dans les territoires que se trouvent les énergies de développement. C’est à ce niveau que la démocratie participative est pertinente et donne du sens. C’est dans les territoires que les solutions de gestion intégrée peuvent être mises en place (adduction d’eau, assainissement, centrale d’énergie renouvelable, production agricole, industrie de transformation légère). En général c’est toujours une partie de la couche sociale la plus défavorisée et vulnérable qui prend des initiatives : des groupes de jeunes gens déscolarisés, ou de femmes, qui créent  des associations de lutte contre la pauvreté, de gestion des déchets, d’assainissement, pour le développement. Ces associations, comme les multiples TPE constituent des acteurs importants du développement local. La société civile se mobilise, il faut lui donner les moyens de jouer un rôle déterminant dans les territoires.

Il manque aujourd’hui une impulsion pour mettre toutes ces formes d’organisation en synergie. Cette tâche peut incomber à la coopération décentralisée si elle sait sortir du cadre institutionnel. L’exemple du co-pilotage de projets de gestion des déchets à Pointe Noire, au Congo est assez exemplaire, en ce qu’il donne une place à tous les acteurs concernés, publics et privés.

Un exemple de partenariat public, privé, société civile

Pointe Noire, au Congo, connait une situation critique en matière de gestion des déchets. Le projet pilote Quartier Propre, associe la Maire d’arrondissement et la Mairie Centrale, Total E&P Congo, la population de l’arrondissement de Mvoumvou et l’association Mvoumvou Assaini.

L’Objectif Principal est la construction d’un centre de tri ou de transit qui fabriquera du compost et démontrera la faisabilité d’une gestion participative des ordures ménagères dans le quartier 203 de l’arrondissement de Mvonmvou. Si elle est réussie,  cette expérience sera déployée dans les autres arrondissements. Chaque acteur a pris des engagements, pour mettre à disposition, conseil, outillage, financement ou main d’oeuvre.

L’élargissement de l’assiette de la coopération

On peut souhaiter que les moyens attribués aux opérations de coopération décentralisées prennent aussi en compte ces énergies qui ne sont pas institutionnelles: ces associations, individus, TPE et PME...L’ argent qui est mis dans les mains des institutionnels peut être mieux réparti entre les différents acteurs de l’organisation locale. On peut laisser à la mairie tout ce qui est régalien, c’est à dire sur le territoire, les infrastructures, la construction des axes intercommunaux. Mais donner aussi les moyens aux autres acteurs de développer entre eux des synergies car les déclinaisons possibles sont nombreuses : Parainages Sud-Sud, par les entreprises avec le Mecenat de compétences…

La seule limite à l’exercice est que la décentralisation peut aussi devenir un outil d’influence politique avec un risque de népotisme local. Les clés de la réussite passent donc comme partout par une bonne gouvernance et le soutien, là comme ailleurs, de la démocratie participative

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