La RSE est une mine d'idées pour un management innovant qui contribue à la pérennité de l'entreprise

Dr Zahra Id Ahmed, enseignante et chercheure en SIC-RSE

Ils-elles ont créé des entreprises à impact positif, pilotent la responsabilité sociétale dans leur société, forment aux pratiques respectueuses du vivant, organisent la réflexion et la coopération. Ce sont les acteurs de l'économie positive en Afrique.

Nous sommes heureux de leur donner la parole.

AGADD : Vous avez consacré votre thèse de doctorat à la RSE en étudiant le cas d'AXA au Maroc. Sous quel angle avez-vous mené votre recherche ?

Zahra ID AHMED : Ce travail de thèse sur la communication organisationnelle et la responsabilité sociale des entreprises est le fruit d'une observation de plusieurs années. Il prend sa source non seulement dans mes études en sciences de l'information et de la communication mais aussi dans mes expériences professionnelles, durant mes missions et les séminaires que j'ai suivis. Je voulais en effet, comprendre comment le discours sur l'éthique et la RSE se traduit au sud, comment son empreinte dans l'économie se manifeste dans des pays qui ne sont pas habitués à ces concepts nés à l'étranger, et dont les pratiques sociales et culturelles sont différentes. L'entreprise AXA publie beaucoup d'éléments, des chartes éthiques, des rapports RSE, elle est très active dans le domaine de la solidarité avec la fondation Axa Atout Coeur, mais j'ai pu observer les écarts considérables de compréhension et d'appropriation en fonction des contextes. J'ai publié en 2016 un article sur le sujet du management interculturel et la RSE dans une revue française  

En parallèle de ce travail de recherche j'interviens dans l’enseignement supérieur notamment à l'Université Catholique de l'Ouest, au sein des universités de Rennes 1 et Rennes 2, Rennes School of Business et au centre d'étude diplomatique et stratégique.

Sur cette photo : Zahra Id Ahmed est au centre, Moussa Seck est à sa gauche.

Sur cette photo : Zahra Id Ahmed est au centre, Moussa Seck est à sa gauche.

AGADD : En sus de la recherche et de l’enseignement, vous êtes active dans plusieurs mouvements pour le développement économique du continent africain. Quels sont ces autres engagements ?

Z.I.D : J'ai rejoint dès l'origine Agraria Africa en participant à son volet de communication. C'est un vaste projet d'irrigation et d'industrialisation de la production agricole en Afrique qui repose sur le déploiement d'« agropoles », des villes agricoles où sera regroupée toute la chaîne de valeur. Il peut éradiquer la faim en Afrique et freiner l’émigration des jeunes. Son président, Moussa Seck, est agronome. Il a mené des études poussées à l’échelle du continent et montré que l'agriculture africaine dans son ensemble a un potentiel unique notamment grace à la complémentarité des bandes géo climatiques entre ses deux hémisphères sud et nord. Le programme rassemble des chercheurs, des industriels et des institutions, il a été présenté en novembre dernier au Nepad, l’Agence de Développement de l’Union Africaine (AUDA, anciennement NEPAD), et devait être lancé à Dakar en mars, ce qui n’est que partie remise.

Une autre organisation dans laquelle je me suis également impliquée est le Forum des opérateurs pour la garantie de l’émergence économique en Afrique (FOGECA) dont le Siège social est à Dakar. Le Fogeca réunit des acteurs publics et privés pour construire une vision commune du développement et de l'intégration économique de l'Afrique, multiplier les partenariats entre les acteurs du continent et le reste du monde et stimuler les échanges à toutes les échelles, sous-régionales et intercontinentales. Nous avons déjà organisé des événements au Bénin, au Togo, au Sénégal, en Guinée équatoriale, au Congo, au Gabon, mais aussi au Portugal (Lisbonne et Porto) pour avoir un double regard Europe-Afrique.

AGADD : Vous êtes également la secrétaire générale de RSE&PED, quel part prenez-vous aux travaux et quel développement souhaitez-vous pour l'organisation ?

Z.I.D : Une de mes premières actions pour RSE&PED, après avoir rencontré Joëlle Brohier, la Présidente, est une présentation d'Agraria Africa lors d'un “Open de L'International” à Saint Brieuc en juillet 2017, où RSE&PED organisait un atelier. J'ai participé à d'autres conférences organisées par RSE&PED, et j'ai surtout pu innover dans les formats d'échange : j'ai notamment réalisé avec l'organisation une "journée connectée" entre un établissement scolaire à Rennes et des représentants de la filière café-cacao au Togo, un secteur que j'avais analysé en faisant des visites d'exploitation sur place. Les élèves étaient en interaction avec le secrétaire exécutif CICC-TOGO et posaient leurs questions en direct. Un beau succès !

Actuellement je finalise avec l'équipe de RSE&PED un webinaire sur la finance responsable. J'en animerai la séquence d'ouverture le 14 mai prochain avec Anne-Catherine Husson Traoré, Directrice générale, Novethic et Dr Dieter Vanwalleghem, directeur du MBA, Professor, Rennes School of Business.

En ce qui concerne RSE&PED, j'ai de nombreuses pistes de réflexion pour l'avenir. A court terme, nous souhaiterions ouvrir notre démarche à d'autres pays francophones, élargir l’approche RSE vers l'agriculture, l'industrie et le secteur éducatif. A moyen terme, il s’agirait de trouver de nouveaux partenariats, de créer de nouveaux formats essentiellement digitaux, tout en intégrant davantage le volet académique dans notre approche.

AGADD : Quel impact aura la crise du coronavirus sur le cœur d'activité de RSE&PED ?

Z.I.D : Le Covid est l'occasion de réfléchir à un nouveau modèle organisationnel dans l'entreprise et à l'anticipation des risques sanitaires et environnementaux. Il amène bien sûr à repenser la culture de responsabilité en interne, la flexibilité du travail et l'usage des TIC. C'est aussi le moment d’approfondir des relations de confiance avec toutes les parties prenantes, dont les salariés. La RSE est une mine d'idées pour un management innovant qui contribue à la pérennité de l'entreprise : les entreprises qui avaient formé leurs travailleurs aux nouvelles technologies vivent mieux la période actuelle. C'est la même chose pour celles qui avaient mis en place des politiques de RSE génératrices d'engagement pour les salariés. Notre action de promotion de la RSE est donc plus que jamais fondée et il y a de la demande en Afrique ! La société civile commence à s'organiser et représente désormais un pouvoir de contrôle sur les problèmes générés par une activité économique aujourd'hui trop peu soucieuse de ses impacts. Enfin, ces entreprises recherchent des modèles alternatifs afin d’assurer leur pérennité sur le long terme.

Dr Zahra Id Ahmed, enseignante et chercheure en SIC-RSE
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