MARIEME NDOUR DIALLO, RESPONSABLE QSE DE SOCOCIM INDUSTRIES, SENEGAL
03 juil. 2019La RSE permet d’aligner amélioration continue et performance économique, tout en vivant mieux et plus durablement avec nos partenaires. Tout le monde doit être gagnant !
Ils-elles ont créé des entreprises à impact positif, pilotent la responsabilité sociétale dans leur société, forment aux pratiques respectueuses du vivant, organisent la réflexion et la coopération...ce sont les acteurs de l'économie positive en Afrique. Nous sommes heureux de leur donner la parole.
L'interview de Marième NDOUR DIALLO a été réalisée lors du 2ème séminaire des managers durables. Un évènement organisé à Casablanca du 17 au 22 juin 2019 par l'Académie Durable Internationale (Patrick D'Humières, Olivier Gilbert) avec Des Enjeux et des Hommes (Agnès Rambaud), RSE Sénégal (Philippe BARRY et Amath BA), RSO Côte d'Ivoire (Franck EBA), le soutien de VEOLIA, d’ORANGE, de l'Ecole Centrale de Casablanca.
Quel est aujourd'hui votre rôle professionnel et quel parcours vous y a menée ?
Je suis responsable du système de management Qualité Sécurité Environnement de SOCOCIM INDUSTRIES, une cimenterie d’une capacité de 3,5 millions de tonnes basée au Sénégal, filiale du groupe français VICAT.
Après des études en sciences physiques à l’université Cheikh Anta Diop à Dakar, d’ingénierie en recherche et développement à l’université Louis Pasteur de Strasbourg, j’ai continué à l’université Claude Bernard à Lyon mes études doctorales de chimie appliquée à l’environnement. Durant ma thèse je me suis intéressée à l’impact des grains de sable apportés par les tempêtes de sables depuis le Sahara sur la composition de l’atmosphère et sur le changement climatique. En effet la surface de ces poussières désertiques occasionne de multitudes réactions durant leur transport vers l’Europe. J’ai aussi étudié le photo vieillissement des peintures et vernis ainsi que la pollution intérieure générée par les composés organiques volatiles. J’ai toujours été intéressée par l’environnement !
Je suis rentrée au Sénégal en 2009 pour mettre mes compétences au service de mon pays. J’ai fait une candidature spontanée à La SOCOCIM qui avait une direction Environnement et j’y ai été embauchée. Ma première mission de responsable qualité a été la mise en place de l’ISO 14001 et 9001, deux certifications que nous avons obtenues. Aujourd’hui je suis, aux yeux des équipes, la « gendarmette » qui garantit le respect des procédures et leur efficacité.
Quels sont les enjeux de responsabilité sociétale de votre activité et les actions que vous avez déjà mises en place ?
Nous avons un fort enjeu environnemental, notamment sur l’énergie et la limitation des gaz à effet de serre. Nous joignons les deux problématiques en utilisant des combustibles et matériaux de substitution à la place des combustibles fossiles. En effet, nos fours atteignent des températures de plus de 1000 degrés et, même si ce n’est pas leur fonction première, peuvent servir d’incinérateurs. Nous valorisons des déchets agricoles comme les coques d’arachides, des déchets industriels d’entreprises comme Sonatel, SAR, Senelec, BCEAO, et même des saisies de douanes telle que la drogue. Nous avons également un projet avec la mairie de Dakar pour valoriser les déchets de la grande décharge de Mbeubeus en les broyant. Cela nous permet d’utiliser moins de combustibles fossiles et de réduire notre empreinte Carbone mais également de participer à la problématique des déchets qui reste très importante à Dakar.
Dans cette même approche nous travaillons avec d’autres combustibles alternatifs comme les pneus usagés que nous récupérons un peu partout à travers le Sénégal, avec des dispositions spécifiques pour ne pas perturber la qualité du process de fabrication, ni déplacer le problème environnemental en générant d’autres émissions toxiques.
Nous avons aussi une problématique sociétale : la SOCOCIM a été créée en 1948 avant d’être rachetée par le groupe VICAT en 1999. Entre temps l’explosion démographique a conduit à ce que les habitations outrepassent largement le périmètre de sécurité initial. Les riverains se plaignent aujourd’hui des poussières et du bruit et nous devons répondre à leurs attentes. Nous avons procédé à des dallages dans l’enceinte de l’usine et arrosons de manière fréquente avec de l’eau de pluie récupérée pour réduire les poussières de roulage au niveau des carrières. Nous évitons de faire des tirs de mines à des heures considérées comme gênantes par les populations, mais avons également changé les techniques de fractionnement pour réduire le bruit ainsi que les vibrations. De nombreuses réunions avec des représentants de la population ont été organisées pour partager les informations sur nos actions mais des efforts restent surement à faire concernant le dialogue avec les parties prenantes.
Quelles étaient vos motivations pour participer au séminaire de l’académie durable internationale ?
Comme beaucoup d’entreprises sénégalaises ou africaines, nous avons considéré jusqu’ici le mécénat comme étant le cœur de notre responsabilité sociétale : nous donnons des moutons quand arrive la fête de l’Aïd, nous ouvrons l’accès de l’infirmerie aux populations riveraines pour des consultations gratuites en gynécologie, pédiatrie ou de médecine générale, nous offrons l’accès à l’eau potable et la gestion des déchets des quartiers avoisinant... Mais nous n’évaluons pas le résultat de ces actions, qui par ailleurs manquent d’un cadre et de perspectives. Or nous savons qu’une bonne démarche de RSE permet d’aligner amélioration continue et performance économique tout en vivant mieux et de manière plus durable avec tous nos partenaires. Tout le monde doit être gagnant ! C’est dans cet esprit que nous avons mis en place un comité de pilotage. Tous les mardis depuis six mois nous passons notre déjeuner à travailler sur notre cartographie de matérialité et notre stratégie. Nous avons besoin de retours d’expérience. Sur le dialogue parties prenantes par exemple, J’ai écouté avec intérêt, Franck EBA, de RSO Côte d’Ivoire, parler des échanges avec les communautés locales.
Quels autres apports avez-vous reçus pendant cette semaine de formation ?
J’ai désormais une vision globale de la RSE et je comprends mieux les enjeux à l’échelle mondiale. Mais surtout, comme nous avons eu beaucoup de benchmark, j’ai compris que nous ne sommes pas seuls, que certains sont des pionniers et font cela depuis très longtemps. Cela m’a beaucoup étonnée de voir à quel point nous sommes tous concernés quelle que soit l’activité de l’entreprise. Il me restera à travailler sur les enjeux proches de nos métiers, je manque encore de comparaison dans mon secteur, mais je sais que les échanges vont continuer après le séminaire et j’en tirerai profit.