C’est très intéressant d’entendre parler des enjeux du climat, du dialogue avec les parties prenantes et de la diversité au sein des entreprises... Enjeux qui sont aussi au cœur de l’action humanitaire

Ils-elles ont créé des entreprises à impact positif, pilotent la responsabilité sociétale dans leur société, forment aux pratiques respectueuses du vivant, organisent la réflexion et la coopération...ce sont les acteurs de l'économie positive en Afrique. Nous sommes heureux de leur donner la parole. 

CHARMILLE AUDAN, DE L’HUMANITAIRE A LA RSE EN AFRIQUE CHEZ BOLLORE TRANSPORT & LOGISTICS

L'interview de Charmille AUDAN a été réalisée lors du 2ème séminaire des managers durables. Un événement organisé à Casablanca du 17 au 22 juin 2019 par l'Académie Durable Internationale (Patrick D'Humières, Olivier Gilbert) avec Des Enjeux et des Hommes (Agnès Rambaud), RSE Sénégal (Philippe BARRY et Amath BA), RSO Côte d'Ivoire (Franck EBA), le soutien de VEOLIA, d’ORANGE, de l'Ecole Centrale de Casablanca.

Quelle est la place de la RSE aujourd’hui dans votre fonction ?

J’occupais jusqu’à présent la fonction de Directrice financière Afrique de Bolloré Logistics, une des quatre business units de Bolloré Transport & Logistics. Je vais désormais m’occuper, toujours en Afrique, du développement de nos actions en matière de Responsabilité Sociétale de l’Entreprise (RSE) pour l’ensemble de nos activités dans les ports, la commission de transport et les chemins de fer.

Bolloré Transport & Logistics met en œuvre une politique engagée qui se décline dans l’ensemble de ses business units pour faire vivre la RSE au quotidien dans ses métiers et développe notamment des politiques RH et santé-sécurité fortes. La business unit Bolloré Logistics a lancé au troisième trimestre 2018 le programme RSE « Powering Sustainable Logistics » dont l’ambition est d’accroître la valeur environnementale et sociétale de l’entreprise tout au long de la supply chain. Il s’agira pour moi de travailler au déploiement et à l’ancrage de ce programme sur le terrain pour l’ensemble de nos métiers, en prenant en compte les spécificités africaines. Je souhaite commencer par comprendre avec les parties prenantes et notamment nos opérationnels ce que le développement durable signifie pour eux, à titre professionnel et privé : quelles perceptions ont-ils des enjeux environnementaux et de leurs conséquences sur le plan social, comment le changement climatique se concrétise dans leur quotidien, quels sont les impacts de nos actions RSE... Les rapports, même s’ils demandent beaucoup de travail et fournissent beaucoup d’informations, ne reflètent pas toute la réalité du terrain que j’ai besoin de connaître.

Qu’est-ce qui vous a amenée à vous intéresser à l’engagement sociétal de votre entreprise ?

Longue histoire ! Mon début de carrière est très classique : études à HEC, premiers postes dans le luxe puis dans le conseil en stratégie, en recherchant l’excellence pour me prouver que j’en étais capable. Au bout de cinq ans je ne ressentais plus ce besoin. A ce moment-là, après quelques voyages très marquants en Afrique, je me sentais habitée par ce continent. Je me suis dit qu’il était temps d’écouter mon cœur. Mes rêves d’Afrique m’ont conduite à m’engager dans l’humanitaire où j’ai fait mes premiers pas au Sud Kivu en 2007 avec Action contre la Faim.

J’ai gardé de cette expérience des enseignements essentiels : d’abord une reconnexion profonde à l’Humain et à la nature, que je prends soin de développer depuis. J’ai ensuite pris conscience de l’omniprésence de l’enjeu “Climat” dans les situations d’urgence et de développement. Dans un projet humanitaire, une première étape incontournable est la caractérisation du problème et notamment de ses causes. Dans tous les programmes auxquels j’ai participé, qu’il s’agisse d’accès à l’eau potable, de prise en charge d’enfants souffrant de malnutrition ou d’assistance portée à des femmes survivantes de violences sexuelles, le changement climatique faisait partie des facteurs à l’origine des crises.

Et la troisième chose que j’ai apprise, c’est l’importance d’associer les parties prenantes dès le départ du projet à commencer par les bénéficiaires. Il faut rendre des comptes aux donateurs (agences des Nations Unies ou particuliers), et aussi aux bénéficiaires des programmes, les populations auxquelles nous venons en aide. Nous devons notamment rendre des comptes sur la qualité des actions : sont-elles aux standards humanitaires (« good enough »), ont-elles atteint les résultats attendus pour les bénéficiaires ciblés et leur impact est-il durable, au-delà même de l’éventuel départ de l’ONG ? Dans cette perspective il est crucial d’associer les bénéficiaires et les autres parties prenantes : dès la phase de compréhension du besoin, dans la définition des actions à mettre en œuvre, puis dans leur mise en œuvre, leur suivi et leur évaluation. Et si on veut concevoir un projet intelligent, qui puisse avoir l’impact souhaité durablement, il faut qu’il soit inclusif. Des personnes représentatives des différents enjeux doivent être impliquées au cours de toutes ces phases : des jeunes, des plus anciens, des femmes, des hommes, des personnes pratiquant des religions différentes... La question du genre et de la diversité est centrale !

C’est très intéressant d’entendre parler des enjeux du climat, du dialogue avec les parties prenantes et de la diversité au sein des entreprises... Enjeux qui sont donc aussi au cœur de l’action humanitaire.

Votre cheminement vous a néanmoins ramenée vers l’Entreprise ?

Il m’est apparu que le travail humanitaire serait sans fin si en parallèle nos modèles économiques et nos façons de vivre n’évoluaient pas. En même temps je découvrais à travers ces expériences en entreprise et en ONG qu’un nouveau modèle pouvait émerger de ces deux mondes pour réconcilier le profit et l’humain.

Convaincue donc que les entreprises ont un rôle déterminant à jouer et que, forte de mes expériences professionnelles imprégnées de culture financière et humanitaire, j’avais moi-même un rôle à jouer dans l’entreprise dans cette optique, j’ai rejoint Bolloré Transport & Logistics. Après avoir occupé plusieurs fonctions au sein de la direction financière au Cameroun puis en France, ce qui m’a permis de bien connaître les métiers et les hommes, je m’apprête à rejoindre l’équipe RSE.

Lorsque vous vous êtes inscrite au séminaire de l’Académie Durable Internationale quelles attentes aviez-vous ?

Je souhaitais approfondir mes connaissances dans le domaine du développement durable et de la RSE et je m’étais inscrite à la formation de Centrale Paris en France, lorsque Patrick d’Humières m’a parlé de cette session en Afrique. J’étais très heureuse de voir qu’on pouvait aborder ce sujet à travers l’angle des spécificités africaines. Donc je suis venue ici pour trouver de nouvelles clés qui me permettront de mettre en œuvre une RSE incarnée dans le quotidien de notre entreprise en Afrique. Enfin et surtout pour rencontrer ceux qui œuvrent sur ces sujets sur le continent.

Nous sommes presque à la fin du stage, quel est votre ressenti ?

Cela va au-delà de mes espérances en termes de contenu et de pédagogie ; avec la théorie et l’étude de cas pratiques. Les échanges sont très pertinents avec des problématiques très diverses. Tout cela se fait dans une ambiance bienveillante et de franchise, avec l’authenticité et la chaleur que l’on connait de l’Afrique. J’ai l’impression d’avoir rejoint une famille autour d’objectifs et de valeurs communes. Je me sens bien équipée pour continuer à avancer, forte de ces nouvelles connaissances et surtout de ce réseau.

Je découvre aussi la complexité de ce métier. Il faut se montrer à la fois ouvert, stratège, concret, rigoureux... Et maîtriser de nombreux sujets dont certains plutôt techniques... Il me semble assez important de toujours se rappeler pourquoi on fait ce métier. Plusieurs intervenants ont souligné que la RSE ne doit pas se limiter à une démarche de conformité ou une approche par la gestion de risques, mais représenter une trajectoire pour construire un monde différent et meilleur pour tous.

CHARMILLE AUDAN, DE L’HUMANITAIRE A LA RSE EN AFRIQUE CHEZ BOLLORE TRANSPORT & LOGISTICS CHARMILLE AUDAN, DE L’HUMANITAIRE A LA RSE EN AFRIQUE CHEZ BOLLORE TRANSPORT & LOGISTICS
CHARMILLE AUDAN, DE L’HUMANITAIRE A LA RSE EN AFRIQUE CHEZ BOLLORE TRANSPORT & LOGISTICS CHARMILLE AUDAN, DE L’HUMANITAIRE A LA RSE EN AFRIQUE CHEZ BOLLORE TRANSPORT & LOGISTICS

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