Delphine Bineta D’NIAYE, Directrice de la communication du groupe ORABANK et artisane de sa politique RSE
01 déc. 2018Ce qui est important au moment du décollage économique de l’Afrique c’est de penser la RSE par le volet économique de la création de valeur durable. Il est plus facile de parler d’opportunités à un chef d’entreprise que de lui demander de ne pas polluer.
Ils-elles ont créé des entreprises à impact positif, pilotent la responsabilité sociétale dans leur société, forment aux pratiques de production respectueuses du vivant, organisent la réflexion et la coopération...ce sont les acteurs de l'économie positive en Afrique. Nous sommes heureux de leur donner la parole.
Orabank est un groupe bancaire panafricain en pleine croissance, avec aujourd’hui 149 agences dans 12 pays et quatre zones monétaires. Il a engagé son entrée à la bourse d'Abidjan en octobre dernier. Sur le plan de la RSE, le rapport extra-financier publié sur le site du groupe est au niveau des meilleures pratiques mondiales. Dans un pays où responsabilité sociétale rime encore avec actions caritatives, l’intégration du développement durable dans le modèle d’affaire, le rapport intégré et l’utilisation des normes GRI nous ont interpellés ! L’engagement des entreprises étant d’abord le fait des femmes et des hommes qui les composent, nous avons remonté la filière. Enquête au Siège d’Orabank à Lomé, Togo, où nous avons rencontré Delphine D’NIAYE, directrice de la communication du groupe et cheville ouvrière de la démarche.
Quelles sont les caractéristiques de l’activité d’Orabank ?
Orabank est une banque de détail au service des institutions, des particuliers et des entrepreneurs africains. C’est un groupe au contact de l’économie réelle, très proche du territoire, de la population, des PME, et attaché par nature au développement économique du continent. Notre implantation en Afrique est importante, nous couvrons douze pays dans quatre zones monétaires. Le groupe compte environ 1800 collaborateurs. A noter car c’est encore très rare : notre groupe est dirigé par une femme, Binta TOURE NDOYE.
Contrairement aux entreprises et aux banques françaises, vous n’avez aucune obligation concernant la RSE et le rapport extra-financier. Quelles sont vos motivations ?
C’est d’abord une volonté de nos actionnaires. Le principal, ECP, est un fond d’investissement dédié à l’Afrique qui finance des projets dans l’agro-industrie, l’eau et l’énergie, domaines qui ont un impact important sur le plan environnemental et la santé. Nos autres actionnaires sont des partenaires du développement européens et africains pour lesquels un engagement effectif dans la RSE est indispensable.
Quelles ont été les premières réalisations dans le domaine de la RSE ?
Je suis arrivée dans le Groupe en 2009, et c’est en 2014 qu’une Charte RSE a été mise en place avec des engagements larges, de la gouvernance au financement de la croissance verte. Depuis 2015 nous avons un outil pour évaluer le risque RSE lors des demandes de financement. Les équipes commerciales, crédit et risques ont été formées : nous vérifions que les entreprises n’emploient pas d’enfants, respectent le droit social et prennent en compte leur impact environnemental. Sur ces bonnes bases, j’ai voulu organiser et dynamiser la démarche dans l’entreprise et la rendre visible par nos publics. Je crois personnellement au développement durable et au fait que tout ce que nous faisons maintenant a une influence sur le futur et surtout celui de nos enfants.
Pourquoi ancrer la RSE dans la communication ?
D'abord parce que je suis aux premières loges pour entendre les questions toujours plus nombreuses et pointues de nos partenaires, qu’ils soient apporteurs de capitaux ou d’assistance technique. Par exemple deux fonds suédois et finlandais nous ont interrogé récemment sur la question des femmes : quelle part représentent-elles dans notre clientèle ? quel part du crédit leur allouons-nous ? J’aimerais leur répondre mais il nous faut encore plus d’indicateurs et d’implication de chacun dans leur remontée, depuis la fiche client saisie par le commercial jusqu’aux outils de pilotage. Donc je suis attentive à ce que la RSE soit l’affaire de tous et que chacun en comprenne la finalité.
Ensuite parce que la filière Communication est représentée dans nos 12 pays, c'est un bon vecteur et je souhaite qu’elle soit partout un moteur de la démarche. A partir de 2016, toute cette équipe a suivi des formations sur la RSE, puis j’ai proposé à notre directrice de faire une étude de matérialité et un rapport intégré, ce qu’elle a immédiatement accepté. 25 enjeux de développement durable importants pour Orabank ont été identifiés par nos parties prenantes avec une batterie d’indicateurs de performance associés. Ils ont permis de revisiter la charte RSE et le plan d’action.
En quoi consiste cette feuille de route ?
Comme toutes les activités bancaires, la conformité aux textes réglementaires et la tolérance zéro pour les comportements non éthiques sont le premier pilier. Dans ce volet de la finance responsable, il s’agit aussi de prémunir les clients contre l’endettement excessif : en Afrique, les clients choisissent une banque lorsqu’ils veulent un crédit. Le risque est fréquent. Nos équipes commerciales y sont particulièrement sensibles et formées pour le prendre en compte.
Le deuxième pilier concerne nos collaborateurs : être un employeur responsable en Afrique c’est d’abord respecter toutes les conventions de l’OIT, mettre en place une protection sociale, puis comme partout, penser formation, juste rémunération, mobilité, gestion des talents, etc.
Enfin nous voulons être un acteur du développement économique et social de l’Afrique, avec une composante importante sur la protection de l’environnement et la croissance verte.
De quelle manière le groupe Orabank s’engage-t-il sur le volet économie sociale et durable ?
Quasiment toutes les entreprises ici financent des actions d’intérêt général. Nous-mêmes le faisons partout où nous sommes implantés : matériel pour une école ici au Togo, campagne de vaccination au Sénégal, « marmite du partage » en Mauritanie au moment du Ramadan ou forage au Tchad à l’occasion de l’ouverture d’une nouvelle agence en province. C’est indispensable, nous continuerons à le faire et j’espère que nous serons même de plus en plus aux cotés des populations. Mais ce n’est qu’un premier niveau. Ce qui est important au moment du décollage économique de l’Afrique c’est de penser la RSE par le volet économique de la création de valeur durable, d’abord parce qu’il est plus facile de parler d’opportunités à un chef d’entreprise que de lui demander de ne pas polluer.
L’Agence Française de Développement nous a fourni une ligne de crédit, le fond SUNREST, (Sustainable Use of Natural Resources and Energy Finance) pour financer des entreprises sur des projets d’efficacité énergétique et d’énergies renouvelables. Nous avons identifié et accompagné techniquement des entreprises dans chacun de nos pays pour installer des équipements solaires, des centrales photovoltaïques ou remplacer des lampes et des climatiseurs par des matériels de dernière génération. Cette phase test est terminée, il s’agir maintenant d’opérer un changement d’échelle avec des fonds plus importants et d’autres banques que la nôtre. Le fond SUNREST est un des outils mais nous en avons d’autres.
Vous financez également les grands projets d’infrastructure des états, comment y intégrer les enjeux du développement durable ?
En effet, tous les pays dans lesquels travaille Orabank ont des plans de développement comportant de grands projets d’infrastructures que nous devons accompagner. Avant chaque début d’exercice nous définissons nos priorités de façon à ce que nos filiales sachent quels secteurs privilégier. Nous ciblons les projets utiles aux populations et qui peuvent changer leur vie : routes, accès à l’eau ou à l’énergie. Selon les montants nous financons les projets seuls, en pool avec plusieurs banques du groupe ou en pool avec des confrères.
L’économie africaine aujourd’hui est largement dominée par le secteur informel. Avez-vous un rôle à jouer dans la transition de ce secteur vers l’économie formelle ?
Le taux de bancarisation en Afrique, même s’il est en forte progression, reste aujourd’hui autour de 16%. Comme les revenus sont très faibles, la banque centrale a supprimé les frais de tenue de compte qui étaient un des freins à la bancarisation. Peu de nos concitoyens le savent, et cela nécessite un effort pédagogique que nos équipes commerciales font sur le terrain. Car ici il ne faut pas attendre que le client vienne en agence comme en Europe, le rapport à la banque est différent, c’est nous qui allons à la rencontre des gens en participant à des foires ou des rencontres avec des étudiants pour présenter les services bancaires et réaliser les ouvertures de compte.
Quand il s’agit d’entreprises du secteur informel, ce premier contact va souvent générer des demandes de financement. Au moment d’accorder des premiers crédits, nous allons leur demander de se structurer, de se déclarer, d’avoir un numéro au registre du commerce, de payer les cotisations sociales, et petit à petit le secteur évoluera. Nous allons accélérer notre développement sur le mobile banking et le paiement sans carte bancaire, comme l’on fait nos confères, et cela contribuera à l’inclusion financière de nouveaux publics, hors des villes notamment.
Comment traitez-vous la question de l’égalité entre les hommes et les femmes ?
Nous avons une politique d’égalité professionnelle, nous sommes presque à parité dans le groupe mais encore à 20% dans les organes de direction. Nous avons la volonté qu’à CV équivalent on sache parfois peser pour choisir une femme, alors que les objections classiques sont opposées : la femme a des enfants, ne voudra pas venir à Lomé, son mari travaille ailleurs... Donc ce n’est pas simple mais nous y veillons, il faut que les femmes prennent leur juste place dans les comités de direction. Notre politique sur le genre est limitée à l’interne, mais tout cela se fera étape par étape. Sur d’autres critères de discrimination comme le handicap, nous ne sommes pas en avance, nous essayons de rendre nos agences accessibles mais ce n’est pas possible partout.
Comment organiser une démarche sur 12 pays ?
Dans chaque pays nous avons proposé de faire des « comités RSE » composés de responsables opérationnels avec des équipes multidisciplinaires : communication, ressources humaines, risques, finance, direction juridique. 6 personnes en seront les piliers qui pourront inviter des intervenants d’autres directions. La nouvelle charte a été validée par le conseil d’administration et l’organisation des comités RSE validée par nos administrateurs.
Quels sont vos projets pour les mois à venir ?
J’aimerais travailler à élargir notre engagement à nos fournisseurs : nous n’avons pas d’exigences à leur égard alors que les apporteurs de capitaux en ont envers nous.
Mais surtout j’aimerais que chacun en interne parle de l’engagement sociétal d’Orabank comme d’un projet Groupe et non le projet de la Holding ou le mien. Pour cela, dès que les comités RSE se mettront en place je proposerai une formation en ligne pour l’ensemble du personnel soit environ 1800 personnes sur les 12 pays, de la même façon que nous le faisons cette année pour la sécurité informatique.
Biographie
Delphine NDIAYE dirige la communication du groupe ORABANK depuis 2009. Elle a auparavant exercé des fonctions de responsable communication et relations presse dans le groupe Groupe Attijariwafa bank à Dakar, et de contrôle de gestion et chargée de la consolidation dans la régie publicitaire d’Eurosport international à Paris.
Elle est titulaire d’une maîtrise de gestion de l’université de Cergy-Pontoise
Liens : https://www.orabank.net/fr
Orabank | Notre rapport intégré 2018
Le Groupe Orabank est une banque citoyenne, à l'écoute de ses clients et partenaires, œuvrant pour créer un nouveau modèle où la banque apporte un service responsable à ses parties prenantes...